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PREFACE

Par Jérôme Soulat

Le "Testament de Vie" n'est pas le titre originel de l'incroyable travail de synthèse élaboré par Maurice Déribéré, mon grand-père. "La Vie, vue par Maurice Déribéré" ne se lisait pas sur la couverture de cet ouvrage modestement relié, mais à l'intérieur, à la première page. Il fallait donc entrer pour trouver.

La première clef.

Si je me suis permis d'y adjoindre ce titre, c'est pour une raison qui, je l'espère, vous me pardonnerez.

Cette raison, c'est la notion de témoignage.

Témoignage de vie d'un homme au seuil de la mort.

Témoignage de ses petits enfants, qui souhaitent lui rendre un hommage, à travers ce site, en publiant son ultime contribution désinteressée à notre bonheur. Nous voulons vous le faire partager.

Cet opuscule de 49 feuillets, dont l'aspect bricolé surprendra les amateurs de publications assistées par ordinateur, c'est un cadeau. Un cadeau en 25 exemplaires offert dans les ultimes instants de la vie d'un homme remarquable. Et quelle surprise ! Les graphiques, dont les titres ont été patiemment découpé (parfois lettre à lettre !), les dessins collés avec la minutie d'un écolier, ce fouillis de tableaux, de roses des vents ésotériques.

Pourtant, l'auteur avait l'habitude d'être publié ! Pensez au "Que Sais-je ?" sur la couleur, à sa neuvième édition (un des rares Que Sais-je en couleur !), celui concernant l'éclairagisme. Les savants ouvrages de l'ingénieur sur l'Ile de Pâque, sur les caméléons, sur "l'histoire mondiale du déluge", traduits dans de nombreux pays. Je ne saurais compter les distinctions reçues par cet homme. Je citerais seulement cette Légion d'honneur, dont j'ai trouvé par hasard le diplôme signé du Général De Gaulle en personne dans un grenier.

Une vie consacrée à la science. A la science seule.

Et voilà qu'à la fin de sa vie, mon grand-père abandonne ses sujets de rigueur et de raison habituels pour s'adonner à un spiritualisme désordonné ? Le voilà sur la route d'un ésotérisme rabelaisien dans son exubérance, œcuménique et tolérant. Il a donné à cette tentative d'unification symbolique une force de synthèse sidérante. Voilà qu'arrivé au seuil, il se retourne. Et là, plutôt que d'émettre le moindre regret, il célèbre la Vie en un ultime hommage et dispense à sa famille, pour la première fois, un message d'amour.

Je dois avouer que ma première réaction fut la perplexité et le doute. Après tout, n'était-ce pas l'ombre de la mort qui lui faisait un peu facilement retrouver le chemin de l'Esprit ? Ne se réconciliait-il pas avec Dieu avec un certain à-propos presque administratif, lui qui me semblait ne s'être jamais préoccupé de l'immatériel ? Certes, c'était grâce à lui que j'avais pu m'initier au Yi King. Mais lui même ne le tirait jamais. Il lui portait un intérêt qui me semblait purement ethnologique.

Honte à moi, je me trompais. Le quatrième hexagramme du Yiking avait frappé !

C'est dans la bibliothèque de son appartement, quelques semaine après sa mort que je dus me rendre à l'évidence.

La famille avait vendu ou partagé la plupart de ses ouvrages, qu'il avait soigneusement numérotés tout au long de sa vie. Il restait cependant une étagère inaccessible, emplie de livres aux apparences modestes, correspondant (d'après leur numérotation) à la période des années quarante.

Tous ou presque traitaient d'alchimie.

Je crois qu'il aurait apprécié l'idée de voir cet ouvrage scannérisé, lui qui n'a jamais pu se résoudre à abandonner sa vieille machine à écrire mécanique. Non qu'il fut réfractaire aux progrès. Lui même inventa de nombreuses machines et procédés. Président du Centre d'Information de la Couleur, il faisait autorité dans son domaine.

Je crois qu'il aurait apprécié de voir fonctionner le logiciel d'OCR (reconnaissance optique de caractères) qui m'a permis de transformer l'ouvrage en document textuel.

Je crois qu'il aurait apprécié de suivre le traitement numérique des quelques 43 illustrations que compte le recueil.

Je n'ai qu'un seul regret : vous n'entendrez pas sa voix fluette qui contrastait avec son physique de colosse. Vous ne saurez rien de ses intonations chantantes qui nous amusaient tant. J'espère que vous apprécierez malgré ce manque, le charme suranné de ses poésies.

Quant au fond, je me contenterai d'ajouter deux citations à celles déjà nombreuses de l'ouvrage :

"En bouche close n'entre point mouche", pour que seuls ceux qui doivent entendre entendent, et "A coeur vaillans, rien impossible", Jacques Coeur.

Le 07/12/2000